Le monde selon Merichan & les choiseaux 3.0

Les choiseaux sont de retour, maintenant en direct de la Valaisie

collage of swiss pictures, 2 of the Alps, one of red roses, one of a vineyard under snow and one of a cherry blossom

Balade dans la vallée de l’étrange


Bon bin, c’était pas le programme quand j’ai commencé à écrire le billet mais apparemment aujourd’hui c’est jeudi philosophie.

Mais commençons par le commencement…

Bonne nouvelle: à priori j’ai au moins retrouvé une copie des archives couvrant 2006 à 2013.

C’est pas le bon format, ni sur le bon software, mais un problème après l’autre. Un de textes que ça me gavait vraiment d’avoir perdu, soit toute la série que j’avais fait sur mon année au Japon, y est. OUF!

Donc on prend les victoires. Et on ne perd pas espoir de localiser éventuellement le reste. Ceci dit je pense que pour avoir une chance de les trouver il va falloir que je me branche sur les ordinateurs de l’époque, qui m’attendent dans un carton.

Je pense aussi que les textes des derniers mois du blog ( soit probablement tout 2020 et jusqu’à janvier 2021 dont datait la dernière brève publiée) sont -eux- perdus pour de bon.

Oui quand je suis passée sur ce portable-ci par nécessité, c’était en pleine période de covid-burn-out-intense.

Donc j’avais été incapable de gérer le transfert des données correctement.

J’avais donc résolu le problème en gardant tant l’ancien portable que l’ancien iMac. Ils marchent toujours. ( j’ai déjà du aller repêcher 2-3 fois des fichiers dessus depuis notre arrivée en Suisse)

Mais du coup de mi 2020 à 2021, j’écrivais depuis cette machine. Donc que les textes qui y sont nés, si je ne les ai pas déjà trouvé, n’existent probablement plus.

La morale de l’histoire, je paie mon bordelisme aigu. Parce que purée une chatte n’y retrouverait pas ses petits dans le bordel que c’est mes backups et mes archives. Ma méthode de rangement est le mieux définie par “empilement hasardeux de je ne sais pas combien de systèmes d’organisation différents tentés au fur et à mesure des décennies”.

Un de ces moments, où je me regarde pédaler et je me demande comment j’ai pas tilté plus vite que le TDAH a toujours été dans ma vie?

Qu’il m’a toujours pas mal handicapé en fait. Lui et son copain l’autisme aussi d’ailleurs. Que si j’ai réussi tant bien que mal à donner le change dans mon parcours scolaire, c’est que j’avais l’avantage d’apprendre sans effort tout ce qui m’intéresse. Ce qui a permis de pas mal cacher la merde au chat.

C’est une des dissonances cognitives avec lesquelles je me bats depuis toujours. L’estime de moi dans les chaussettes, le syndrome de l’imposteur qui bataillent les mots de ma maman qui me dit que je suis brillante, que j’ai du talent et que je peux déplacer des montagnes.

Quelque part je sais qu’elle n’a pas tort.

Mais je vois les échecs. La liste sans fin de trucs qui ne coulent pas de source pour moi. Le poisson hors de l’eau. Le sentiment de décalage et de ne jamais être à la hauteur…

C’est la faute à personne. Il n’y a pas de vrai méchant dans l’histoire. Juste un contexte qu’on ne connaissait pas, un diagnostic et des suivis qui n’auraient pas été possible. Et pourtant elle a essayé ma maminou d’attirer l’attention sur ma souffrance. De trouver les outils pour m’aider.

Elle a déplacé des montagnes pour me comprendre et m’accommoder.

Mais on avait ni elle ni moi les clés pour lutter contre l’effet de la vallée de l’étrange.

Bon alors, on va jouer au prof 2 minutes. La vallée de l’étrange c’est une théorie du roboticien japonais Masahiro Mori. Pour synthétiser le résumé de wikipedia. Elle date de 1970 et dit en gros que plus un androïde réplique fidèlement un être humain, plus ses imperfections apparaissent grotesques aux yeux de la société humaine et la mette mal à l’aise.

Jusqu’à ce que l’imitation soit vraiment parfaite, un androïde qui reste visiblement un androïde sera mieux accepté par l’observateur qu’un androïde qui a l’air presque humain mais qui a un je ne sais quoi de bizarre qui met sur ses gardes.

Il a imagé ça en une vallée de l’étrange, qu’il faut soit surmonter pour en sortir et être vraiment accepté ou faire marche arrière et revendiquer la différence. Y rester bloqué, c’est la garantie de réaction de méfiance, de dégoût instinctif de la société auquel on essaie d’appartenir.

Ahhh je vous avais dit que c’était jeudi philosophie même si on a mis du temps à y arriver.

J’y ai toujours vécu dans la vallée de l’étrange. J’ai essayé d’en sortir pendant des décennies.

Et c’est un peu l’impression d’être un Sisyphe moderne qui me reste de ces efforts. Parce que je vois les erreurs, les différences… au calme, au loin quand j’y repense, que je le rumine parfois pendant des semaines. Mais dans le feu de l’action, je ne fais jamais qu’un personnage qui ressemble à, mais qui n’est pas.

L’impression de tout donner pour m’intégrer, pour parler la langue des gens autour de moi. Etre un vrai membre du groupe. Et de faillir misérablement.

Encore et encore.

Et la dissonance cognitive qui en est née. Le fait que je faillisse encore et encore à des trucs qui semblent si élémentaires aux autres personnes. Pourquoi alors que c’est un truc si simple, je n’y arrive jamais? La seule explication logique en l’absence des clés que me donnent aujourd’hui un diagnostic, c’est que je suis nulle. Une raclure, une nullité et que je ne vaux rien.

Avec le recul, la maturité d’une adulte, les clés d’aujourd’hui j’en vois toute l’absurdité.

Ces trucs qui semblent aussi simples que de respirer aux autres, ne le sont pas pour moi. Ils ne nous coutent pas la même chose.

Croire que c’est pareil, que je faillis à quelque chose d’élémentaire, c’est un peu comme de juger une personne daltonienne sur sa capacité à coordonner les couleurs. Il ne voit pas les mêmes. Mais tant que personne n’a expliqué tant au daltonien qu’à celui qui voit toutes les couleurs qu’ils ne vivent pas le même monde avec le même référentiel, bin tant le daltonien que celui qui voit toutes les couleurs vont trouver l’autre bizarre.

Et s’il y a plus de personnes qui voit toutes les couleurs que de daltoniens, celui qui est en minorité va voir les autres réussir comme si de rien n’était à des choses qui lui prennent un effort fou, voir ne font carrément pas sens pour lui. Et inévitablement, comme le but de toute être humain, c’est de trouver sa place dans la meute – On est un animal social comme les autres après tout. – la conclusion logique auquel arrivera -sans contexte – le daltonien, c’est que clairement il est nul.

Alors la mère meri, adulte, rationnelle, et intello comprend le phénomène…

De même que des années à étudier sociologie et psychologie en dilettante font que je comprends que 2 perceptions différentes de la même réalité peuvent être tout aussi valables l’une que l’autre.

Mais à un moment, quand je me retrouve seule avec moi-même. C’est toujours les sentiments de la gamine qui s’est retrouvé face à ces trucs la première fois alors qu’elle n’avait ni la maturité émotionnelle, ni les clés, ni même parfois la maturité intellectuelle pour faire sens de ces sentiments, qui gagnent. Parce qu’ils ont été fondateurs dans la construction de l’adulte que je suis devenue.

Cerise sur le gâteau personnelle…

( Parce que ne l’oublions pas, ma devise c’est pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué)

J’ai construit mon moi adulte dans des champs lexicaux différents. La mère meri qui a la quarantaine et qui est bien dans les baskets de sa quarantaine, elle vient de l’anglais. Et oui la neuroscience et la linguistique le disent, on n’est pas la même personne selon la langue qu’on parle. C’est pas juste que je ne pose pas ma voix pareil dans les deux langues… je vous passe les articles scientifiques lourds et je vous en met un de vulgarisation scientifique sur le sujet, qui date un peu mais dont l’essence n’a fait qu’être réaffirmée depuis…

Une part gigantesque de mes scripts, de mes références littéraires et télé d’adulte viennent de l’anglais.

Et je réalise à revenir dans un monde francophone à plein temps, que je suis perdue. Je suis beaucoup moins à l’aise dans mon monde par rapport à Singapour. Comme si je portais des habits trop vieux et trop étriqués.

Alors ça se voit moins par écrit parce qu’à l’abri derrière mon écran, j’arrive à être toutes les versions de moi. Mon monde se vit en mots écrits après tout. Mais à utiliser mes codes sociaux oraux en français, j’ai souvent l’impression de tourner sur une version antique du software. Parce que dans mes interactions sociales en vraie vie en français uniquement n’ont plus été entrainées et mise à jour depuis très longtemps.

En français par oral, j’ai toujours 20-25 ans. Les incertitudes et les maladresses de mauvaise communication qui allaient avec à l’époque. Et Heidi qui relit le billet sur mon épaule de carillonner* “ah ouais, comme moi je me bats souvent avec l’impression de toujours avoir 5 ans quand je parle aux gens ici”

Bref, je crois qu’on arrive gentiment à la gare terminus de ce billet…

Et le fait que j’ai peut-être enfin le temps et l’énergie de m’attaquer à mon choc des cultures à moi de revenir après 16 ans en Suisse.

Que j’ai peut-être enfin le recul et le temps de traitement nécessaires pour le comprendre, et travailler dessus. Heidi ricanant du coup avec l’humour noir plein d’auto-dérision qui la caractérise, qu’elle, elle a décidé de résoudre le problème en se barrant dans un futur proche.

De prendre confiance dans qui je suis en français oral. De trouver mes marques durablement dans mes relations sociales en français, ici. Histoire de ne plus disparaitre d’épuisement pendant 2 à 3 mois à chaque fois que j’interagis avec mes proches et amis ici. ( Euh je précise à cause de la propre pression que je me mets. Et du fait que je suis un peu floue sur qui je suis par oral, dans le feu de l’action en français. Paradoxalement, je me torture 1000 fois plus de savoir si j’ai interagi adéquatement dans ma langue maternelle Mon anxiété sociale, mon sentiment d’inadéquation étant souvent les sentiments bruts de décoffrage de la gamine que j’étais.)

Bref, une nouvelle aventure et un nouvel objectif pour 2025…

Premier petit pas dans cette direction: j’ai été chercher le groupe de théâtre du coin. Et je leur ai demandé si je pouvais les rejoindre.

Affaire à suivre!


Bon je vous laisse…

Je vous dis à la semaine prochaine, soyez sage d’ici là!











*carillonner dans le sens d’intervenir dans une discussion. C’est un anglicisme pur, la traduction littérale de l’expression “chime in”. On ne se refait pas. La poésie de l’expression anglaise ne transparaissait pas dans la version française. La seule traduction qui me satisfaisait à moitié c’était s’immiscer. Et encore. Fichue synesthésie qui fait que j’ai la sensation physique du son d’un carillon qui me traverse le corps quand je vois le mot chime in.

Je vous avais déjà dit que je me fatiguais moi-même des fois?